Les interventions militaires et la multiplication des théâtres d’opération
Les interventions militaires et la multiplication des théâtres d’opération Quel est le problème ? Intervenir dès que l’occasion s’en présente est une tentation permanente.
Mais, à la différence des décennies précédentes, quand on intervenait pour faire la guerre, il s’agit maintenant de préserver la paix ou de la rétablir.
Quand on n’agit plus par réalisme mais par humanitarisme les occasions (ou les obligations) d’intervenir se multiplient dangereusement.
De plus, intervenir chaque fois que c’est « nécessaire » en termes de police mondiale étire excessivement les lignes (overstretch), et pose des problèmes logistiques et de personnels de réserves redoutables, jusque au point de rupture (breaking point), quand la relève ne peut plus être assurée.
Sans parler des haines accumulées chez les pays envahis, source d’actes terroristes ultérieurs ; sans ignorer les risques de récidive du conflit sur place, une fois les dispositifs d’intervention ou d’occupation allégés ; sans garantie non plus que les objectifs de chaque intervention seront atteints.
La notion de théâtre d’opération.
En termes stratégiques, c’est une zone de guerre autonome sous commandement unique, où se mêlent acteurs civils et militaires, administrateurs et soldats.
Cette notion est parfois synonyme de “front”, de champ de bataille », mais c’est peut-être plus simplement une « zone d’intervention », toutes les fois qu’il s’agit de rétablir un ordre compromis par des troubles internes.
Voici comment Clausewitz exprime, dans son ouvrage De la Guerre la vision traditionnelle du théâtre d’opération
« Ce terme définit une partie de l’espace dans lequel se déroule une guerre (…) les changements qui surviennent dans d’autres lieux où se déroule une guerre ont peu d’influence ou seulement une influence indirecte sur ce lieu. Pour mieux saisir de quoi l’on parle, supposons que dans ce lieu une percée est faite, alors que dans un autre une retraite a lieu, ou encore que dans ce lieu se déroule une action défensive, alors que dans un autre une attaque se déroule.».
- Les Balkans (Bosnie, Kossovo).
- Le Caucase (Azerbaïdjan, Tchétchénie, Géorgie).
- Le Proche-Orient (Afghanistan, Irak, Iran, Syrie, Liban).
- L’Afrique centrale (Congo, Zaïre, Mali, Centrafrique, Angola, Mozambique, Liberia, Soudan).
- La Corne de l’Afrique (Somalie).
- La Mer de Chine méridionale (entre la Corée du nord et ses voisins).
Interventions classiques
Interventions humanitaires
Questions sur les opérations militaires
“il n’y a aucun doute que le recours à la force par la communauté internationale dans des conflits comme le Kossovo et la Somalie fut une composante majeure du bond en avant du maintien de la paix dans les années 1990. Il n’y a aucun doute que l’échec des interventions au Rwanda, en Tchétchénie et ailleurs rendit les conflits insolubles encore plus graves qu’ils l’auraient été autrement. Enfin, il n’y a aucun doute que la communauté internationale a beaucoup à apprendre sur la façon de mener de telles opérations.”
Assiste-t-on à l’émergence d’une nouvelle forme de coopération ? En contrepartie de ces choix difficiles et de ces responsabilités étendues, les quelques Etats capables d’intervenir, au sens militaire ou humanitaire, profitent d’une inclination générale à se coordonner.
On peut donc considérer aussi la multiplication des théâtres d’opération comme une multiplication des facteurs de coopération.
Cette nécessaire coopération se déroule entre divers partenaires : entre les armées engagées (forces de l’OTAN au Moyen-Orient ; armées africaines auprès de l’armée française en Afrique centrale ; armées éthiopiennes, kényanes et de l’Union Africaine en Somalie ; US Navy, armée coréenne et forces d’autodéfense japonaises en mer de chine méridionale) ; entre les armées engagées et les gouvernements locaux ou ce qu’il en reste ; entre armées engagées et les OIG et ONG du terrain (occidentales et non occidentales : par exemple, turques, iraniennes, ou relevant de l’Organisation islamique de Coopération en Somalie ou en Syrie).
Voici, comme son nom l’indique, un bel exemple de coopération : la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes et yéménites.
Logo officiel de la Force opérationnelle interarmées combinée-Corne de l’Afrique (CJTF-HOA), utilisé sous licence CC.
Un autre exemple de coopération, plus hasardeux, est celui de la force d’intervention rapide de l’Union Africaine.
Annoncée en mai 2013 au sommet d’Addis Abeba, elle est promise à nouveau en novembre de la même année par le président sud-africain lors d’une réunion à Pretoria des Etats volontaires pour composer cette force (le Tchad, le Niger, le Sénégal, l’Algérie, le Ghana et l’Ethiopie, qui sera opérationnelle en 2017.
Logo de la force du G5 Sahel, 9 avril 2019, utilisé sous licence CC.
Elle devrait être, à terme, l’équivalent pour les théâtres africains de l’OTAN pour les théâtres est-européens et moyen-orientaux. Mais la simple énumération des Etats prêts à la composer, montrent que ces Etats sont déjà engagés ailleurs.
Nouveaux terrains de jeux
En plus de leurs branches traditionnelles (armée de terre, marine, armée de l’air, opérations spéciales, etc.), les États technologiquement avancés disposent désormais d’un commandement spatial et d’un cyber commandement. A l’heure des missiles guidés hypersoniques (un essai réussi est revendiqué par les dirigeants russes début 2020) et des satellites orbitaux militaires (avec lesquels les Américains et les Chinois auraient fait d’énormes progrès), les interventions comportent des risques plus élevés – mais des gains plus importants pour le vainqueur : l’armée qui lance la première frappe.
Certaines innovations peuvent néanmoins épargner des vies sur le terrain, du moins au premier venu – prenons l’exemple de l’élimination sélective des adversaires par des drones militaires (Etats-Unis), des substances radioactives (Russie), des forces spéciales (France), des enlèvements en territoire étranger (Israël), le gel de leurs avoirs ainsi que le blocage de leurs transactions financières (ONU).
Au total, la sophistication croissante des outils permettant de nuire aux pays et organisations hostiles rend l’occupation durable de territoires de moins en moins nécessaire. Il suffit de disposer de bases militaires et de camps de rétention à partir desquels des milliers de soldats et d’experts organisent le contrôle de vastes zones civiles sur le terrain, et collectent des informations sur l’ennemi.
Conclusion
Il y a deux types d’intervention : intervention de puissance et intervention humanitaire.
Les interventions du premier type ne ralentissent pas avec la fin de la guerre froide, bien au contraire, elles se déplacent vers les mers et les océans.
Les interventions du second type se multiplient à un rythme rapide, elles essaiment de proche en proche vers l’intérieur des terres.
Sur la plupart des théâtres d’opération l’intervention déclenche des processus de rejet par des populations locales, mais aussi des processus de coordination et de coopération.
Il n’est pas facile de connaitre les facteurs qui rendent la collaboration facile au lieu d’encourager les désirs de revanche.
Études Globales : Risques et menaces dans les relations internationales
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