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Les interventions militaires et la multiplication des théâtres d’opération

It’s always tempting to intervene as soon as the opportunity presents itself. But, how?
Corps expéditionnaire français débarquant à Beyrouth, 1860, Jean-Adolphe Beaucé
© Jean-Adolphe Beaucé, Public domain

Les interventions militaires et la multiplication des théâtres d’opération Quel est le problème ? Intervenir dès que l’occasion s’en présente est une tentation permanente.

Mais, à la différence des décennies précédentes, quand on intervenait pour faire la guerre, il s’agit maintenant de préserver la paix ou de la rétablir.

Quand on n’agit plus par réalisme mais par humanitarisme les occasions (ou les obligations) d’intervenir se multiplient dangereusement.

De plus, intervenir chaque fois que c’est « nécessaire » en termes de police mondiale étire excessivement les lignes (overstretch), et pose des problèmes logistiques et de personnels de réserves redoutables, jusque au point de rupture (breaking point), quand la relève ne peut plus être assurée.

Sans parler des haines accumulées chez les pays envahis, source d’actes terroristes ultérieurs ; sans ignorer les risques de récidive du conflit sur place, une fois les dispositifs d’intervention ou d’occupation allégés ; sans garantie non plus que les objectifs de chaque intervention seront atteints.

La notion de théâtre d’opération.

En termes stratégiques, c’est une zone de guerre autonome sous commandement unique, où se mêlent acteurs civils et militaires, administrateurs et soldats.

Cette notion est parfois synonyme de “front”, de champ de bataille », mais c’est peut-être plus simplement une « zone d’intervention », toutes les fois qu’il s’agit de rétablir un ordre compromis par des troubles internes.

Voici comment Clausewitz exprime, dans son ouvrage De la Guerre la vision traditionnelle du théâtre d’opération

« Ce terme définit une partie de l’espace dans lequel se déroule une guerre (…) les changements qui surviennent dans d’autres lieux où se déroule une guerre ont peu d’influence ou seulement une influence indirecte sur ce lieu. Pour mieux saisir de quoi l’on parle, supposons que dans ce lieu une percée est faite, alors que dans un autre une retraite a lieu, ou encore que dans ce lieu se déroule une action défensive, alors que dans un autre une attaque se déroule.».
Récemment, on a étendu le contenu de cette notion à des zones de police et d’interposition.
Ce déplacement en affaiblit le sens : il y a désormais des interventions « dures » et d’autres « molles » ; les problèmes ne sont évidemment pas les mêmes dans les deux cas.
En situation de guerre on défend les intérêts de la nation qui intervient. C’est un théâtre d’opération au sens dur.
En situation d’urgence humanitaire on défend des vies dans une autre nation. C’est un théâtre d’opération au sens mou.
L’affaiblissement de la notion est encore accentué quand l’opération est conduite au nom d’autres nations, par exemple les Nations Unies.
En effet, les contraintes pesant sur les opérations de terrain sont encore plus grandes (les règles d’engagement sont beaucoup plus limitatives, même en cas de « légitime défense » ; il faut faire preuve de tact, de réserve, d’autolimitation ; il faut également être prêt à prendre la relève des services publics défaillants, à exercer un pouvoir de police et de justice dans un cadre local légal souvent trop contraignant).
Carte : Conflits dans le monde en 2019, utilisée sous licence CC.
Du fait de cette extension, les principaux théâtres d’opération se multiplient (dans les deux sens, dur et mou, du terme, parce que l’on glisse parfois de l’un à l’autre).
  • Les Balkans (Bosnie, Kossovo).
  • Le Caucase (Azerbaïdjan, Tchétchénie, Géorgie).
  • Le Proche-Orient (Afghanistan, Irak, Iran, Syrie, Liban).
  • L’Afrique centrale (Congo, Zaïre, Mali, Centrafrique, Angola, Mozambique, Liberia, Soudan).
  • La Corne de l’Afrique (Somalie).
  • La Mer de Chine méridionale (entre la Corée du nord et ses voisins).

Interventions classiques

Commençons par quelques interventions classiques, et d’abord dans les Balkans : elles ont été nécessaires (Bosnie, Kossovo) ou le seront peut-être (Albanie/Kossovo ? Moldavie/Transnistrie ? ).
Carte des Balkans dans les années 90, utilisée sous licence CC.
Le cas du Caucase est encore plus mouvant, sinon plus émouvant : rien n’y est résolu (comme le montre cette carte dont les zones hachurées sont contestées et les zones grises, peuplées de contestataires de l’ordre existant).
Carte : Carte géopolitique de la région du Caucase, utilisée sous licence CC.
Quant au Moyen-Orient, pour ce qui concerne le Détroit d’Hormuz, les risques sont grands en raison de revendications territoriales contradictoires (sans parler du cas d’Israël et de ses voisins arabes).
Carte : Détroit d’Hormuz, utilisé sous licence CC.
Voyons maintenant la Corne de l’Afrique : c’est une source d’instabilité pour ses voisins et pour des pays lointains (on voit ici l’extension des risques de piraterie) ; c’est aussi une zone instable en soi (les régions qui apparaissent sur cette carte sont autogouvernées et le pays est donc en guerre civile).
Carte : Cette carte montre les états, régions et districts de la Somalie, ainsi que la situation actuelle en Somalie, utilisée sous licence CC.
Voici enfin le cas de la Mer de Chine méridionale : c’est une zone où se multiplient les conflits potentiels (on voit ici le conflit dû au tracé des Zones Economiques Exclusives, en rose : les zones contestées) ; il y a aussi des territoires disputés, ce qui occasionne des épisodes belliqueux à tirs réels, y compris entre les deux Corées.
Carte : la mer de Chine méridionale, utilisée sous licence CC.
Carte de la mer de Chine méridionale, 1988, utilisée sous licence CC.

Interventions humanitaires

Passons maintenant aux Interventions humanitaires. La différence entre elles et les précédentes tiennent moins aux formes qu’elles prennent qu’aux buts qu’elles visent.
Ce sont des « buts de milieu » comme le disait autrefois Arnold Wolfers, un professeur américain (un Etat se porte mieux si les autres se portent bien), et non des buts directement « égoïstes » (un Etat se porte mieux si les autres se portent mal).
Ou encore, dans un vocabulaire plus actuel, ce sont des jeux coopératifs et non des jeux à somme nulle ou « agonistiques ».
Il y a des précédents historiques à ces interventions humanitaires (le Liban en 1860) et aussi des cas emblématiques actuels (Libye, Syrie ; Mali, Côte d’Ivoire, Centrafrique).
Voici un précédent célèbre : l’intervention française au Liban en 1860 pour séparer les Maronites et les Druzes, peinte par Jean-Adolphe Beaucé (les Français sont accueillis en sauveurs et c’est ce qu’espèrent toujours les troupes placées dans cette situation).
L’intervention française au Liban en 1860, Beaucé, Domaine public.
Au vu d’épisodes récents il semble que l’histoire se soit répétée en Libye : la France et le Royaume-Uni ont séparé les habitants de la Cyrénaïque de ceux de la Tripolitaine, au nom d’une coalition internationale.
Une carte montrant les événements de l’intervention de la coalition en Libye, utilisée sous licence CC.
Un autre épisode récent est moins convaincant : En Syrie, une 1ère coalition a avorté, malgré d’âpres discussions préalables, comme on le voit sur ces images.
Conférence internationale sur la Syrie, au Caire, 2012, ministère tunisien des Affaires étrangères, utilisé sous licence CC.

Questions sur les opérations militaires

En Côte d’Ivoire la coalition a été efficace, on est passé d’un pays coupé en deux à un pays quadrillé par les troupes qui sont venues y maintenir l’ordre.
On doit évidemment se poser des questions sur les opérations militaires molles (d’interposition ou de police). Pourquoi intervient-on militairement dans certains cas et pas dans d’autres ? Qu’est-ce qui conduit au succès ou à l’échec ? Une intervention pourra-t-elle conduire à une paix durable ?
Questions sur les opérations militaires. Comme le constatent des auteurs, les choix sont difficiles, il n‘y a pas de bonne solution. Je vous laisse découvrir leur analyse :
il n’y a aucun doute que le recours à la force par la communauté internationale dans des conflits comme le Kossovo et la Somalie fut une composante majeure du bond en avant du maintien de la paix dans les années 1990. Il n’y a aucun doute que l’échec des interventions au Rwanda, en Tchétchénie et ailleurs rendit les conflits insolubles encore plus graves qu’ils l’auraient été autrement. Enfin, il n’y a aucun doute que la communauté internationale a beaucoup à apprendre sur la façon de mener de telles opérations.”

Assiste-t-on à l’émergence d’une nouvelle forme de coopération ? En contrepartie de ces choix difficiles et de ces responsabilités étendues, les quelques Etats capables d’intervenir, au sens militaire ou humanitaire, profitent d’une inclination générale à se coordonner.

On peut donc considérer aussi la multiplication des théâtres d’opération comme une multiplication des facteurs de coopération.

Cette nécessaire coopération se déroule entre divers partenaires : entre les armées engagées (forces de l’OTAN au Moyen-Orient ; armées africaines auprès de l’armée française en Afrique centrale ; armées éthiopiennes, kényanes et de l’Union Africaine en Somalie ; US Navy, armée coréenne et forces d’autodéfense japonaises en mer de chine méridionale) ; entre les armées engagées et les gouvernements locaux ou ce qu’il en reste ; entre armées engagées et les OIG et ONG du terrain (occidentales et non occidentales : par exemple, turques, iraniennes, ou relevant de l’Organisation islamique de Coopération en Somalie ou en Syrie).

Voici, comme son nom l’indique, un bel exemple de coopération : la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes et yéménites.

Logo officiel Force opérationnelle interarmées combinée-Corne de l'Afrique (CJTF-HOA)

Logo officiel de la Force opérationnelle interarmées combinée-Corne de l’Afrique (CJTF-HOA), utilisé sous licence CC.

Un autre exemple de coopération, plus hasardeux, est celui de la force d’intervention rapide de l’Union Africaine.

Annoncée en mai 2013 au sommet d’Addis Abeba, elle est promise à nouveau en novembre de la même année par le président sud-africain lors d’une réunion à Pretoria des Etats volontaires pour composer cette force (le Tchad, le Niger, le Sénégal, l’Algérie, le Ghana et l’Ethiopie, qui sera opérationnelle en 2017.

Logo de la force du G5 Sahel, 9 avril 2019

Logo de la force du G5 Sahel, 9 avril 2019, utilisé sous licence CC.

Elle devrait être, à terme, l’équivalent pour les théâtres africains de l’OTAN pour les théâtres est-européens et moyen-orientaux. Mais la simple énumération des Etats prêts à la composer, montrent que ces Etats sont déjà engagés ailleurs.

Nouveaux terrains de jeux

En plus de leurs branches traditionnelles (armée de terre, marine, armée de l’air, opérations spéciales, etc.), les États technologiquement avancés disposent désormais d’un commandement spatial et d’un cyber commandement. A l’heure des missiles guidés hypersoniques (un essai réussi est revendiqué par les dirigeants russes début 2020) et des satellites orbitaux militaires (avec lesquels les Américains et les Chinois auraient fait d’énormes progrès), les interventions comportent des risques plus élevés – mais des gains plus importants pour le vainqueur : l’armée qui lance la première frappe.

Certaines innovations peuvent néanmoins épargner des vies sur le terrain, du moins au premier venu – prenons l’exemple de l’élimination sélective des adversaires par des drones militaires (Etats-Unis), des substances radioactives (Russie), des forces spéciales (France), des enlèvements en territoire étranger (Israël), le gel de leurs avoirs ainsi que le blocage de leurs transactions financières (ONU).

Au total, la sophistication croissante des outils permettant de nuire aux pays et organisations hostiles rend l’occupation durable de territoires de moins en moins nécessaire. Il suffit de disposer de bases militaires et de camps de rétention à partir desquels des milliers de soldats et d’experts organisent le contrôle de vastes zones civiles sur le terrain, et collectent des informations sur l’ennemi.

Conclusion

Il y a deux types d’intervention : intervention de puissance et intervention humanitaire.

Les interventions du premier type ne ralentissent pas avec la fin de la guerre froide, bien au contraire, elles se déplacent vers les mers et les océans.

Les interventions du second type se multiplient à un rythme rapide, elles essaiment de proche en proche vers l’intérieur des terres.

Sur la plupart des théâtres d’opération l’intervention déclenche des processus de rejet par des populations locales, mais aussi des processus de coordination et de coopération.

Il n’est pas facile de connaitre les facteurs qui rendent la collaboration facile au lieu d’encourager les désirs de revanche.

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Études Globales : Risques et menaces dans les relations internationales

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