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Qu’est-ce qui est vraiment universel ?

Les êtres humains peuvent-ils s'entendre sur une définition universellement acceptée de nos valeurs communes ? Dans cet article, le professeur Schemei
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en 1789
© Domaine publique

Peut-on s’entendre sur une définition universellement acceptée de ce qui nous est commun, à nous les êtres humains ? Si nous n’y parvenions pas, l’humanité en serait-elle enrichie, car la diversité des modes de vie et de pensée se maintiendrait ? Cet enrichissement sera-t-il suffisant pour que des sociétés diverses se complètent dans un monde « pluriversel » ? Ou bien au contraire, les conflits se multiplieront-ils, les différences étant autant de gouffres béants entre sociétés ?

Une ou plusieurs grandes puissances ne seront-elles pas tentées d’imposer leur conception de ce qui est, selon elles, « universel » ?

Ce n’est pas tout : il faut encore savoir comment distinguer ce qui est universel et ce qui ne l’est pas, ce qui suppose d’établir une liste de valeurs et de vertus reconnues comme prioritaires partout (par exemple : la liberté, la propriété, la loyauté, l’honnêteté, la solidarité ; puis de voir dans quelle mesure elles le sont vraiment, une entreprise qui n’est pas simple.

Valeurs universelles

Commençons par les valeurs universelles. Partout et toujours, les témoignages qui nous parviennent en placent quelques-unes au cœur de leur réflexion. Faisons-en la liste : d’abord, des libertés et des droits : (les « droits imprescriptibles » de la personne humaine : l’égalité, y compris liberté de genre ; les libertés publiques, y compris la liberté de croyance ; le droit au bonheur, y compris l’épanouissement personnel).

Ensuite, les humains ont aussi des devoirs : le civisme, le sacrifice de soi, le respect d’autrui, le respect de la vie, l’unité « nationale ».

On peut déduire l’universalité de ces valeurs de la lecture attentive des Déclarations des droits, en partant des précurseurs : ces valeurs ont été très tôt reconnues comme universelles.

En voici des exemples : les réformes du sumérien Urukagina (il y a 45 siècles), le décret égyptien d’Horemheb (il y a 34 siècles), les principes philosophiques du perse Cyrus (il y a 27 siècles).

Pierres gravées : code d'Urukagina, stèle d'Horemheb, cylindre de Cyrus
Dans le sens des aiguilles d’une montre : Le code d’Urukagina, Mésopotamie. Stèle d’Horemheb, 18e dynastie, Égypte. Le Cylindre de Cyrus, Perse, 539-530 avant J.-C. Photographies de : inconnu, Neithsabes, et Mike Peel, utilisées sous licence Cc.

Les décrets d’Ashoka (il y a 24 siècles) sont particulièrement intéressants à cet égard. Ils prônent : la réserve dans l’exercice du pouvoir et l’autodiscipline ; la non-violence ; la tolérance ; l’amour mutuel qui conduit lui-même à l’équité ; le sens du devoir.

« Les croyances religieuses des autres méritent d’être honorées à un titre ou à un autre. En les honorant, on exalte sa propre foi tout en rendant un service à la foi d’autrui ». décret XII d’Ashoka
L'édit du 6ème pilier de l'empereur Ashoka
L’inscription Brahmi sur un fragment du 6ème pilier d’Ashoka. Photographie de PHGCOM, utilisée sous licence Cc.
Que trouve-t-on, pour l’essentiel, dans ces divers textes antiques ?
Premièrement, on y trouve énoncé le principe de la justice comme vérité et comme équité (autrement dit, ce qui est mathématiquement juste au sens d’exact, l’est aussi socialement, au sens d’équitable). De ce principe découle la prohibition de l’arbitraire.
Deuxièmement, la tolérance envers les croyances différentes est promue.
Troisièmement, l’autodiscipline de tous, citoyens et gouvernants, n’autorise pas l’exploitation des premiers par les seconds.
Quatrièmement, le respect d’autrui consiste à ne pas faire aux autres ce que l’on ne voudrait pas qu’ils vous fassent.
Mais il y a aussi ce que l’on n’y trouve pas, en tout cas pas encore : le droit à l’incroyance ; la liberté individuelle et non pas seulement collective ; la souveraineté populaire et non pas seulement divine.
Remarquons que les Anglais, premiers auteurs occidentaux d’une déclaration des droits au point que l’on parle d’un tournant, ne sont pas les seuls inventeurs de ces répertoires de valeurs universelles.
La Magna Carta et la Déclaration des droits
En haut : un détail de la Magna Carta (initialement connue sous le nom de Charte des libertés) de 1215. En bas : un gros plan de la partie centrale de la Déclaration des droits de l’Angleterre de 1689. Domaine public.
Voici des Déclarations des droits qui se disent elles aussi universelles : celles qui nous viennent des autres révolutions du 18ème siècle.
Trois déclarations des droits
En haut : l’Association continentale, signée par Thomas Jefferson, 1774. Au milieu : la Déclaration d’indépendance des États-Unis, 1776. En bas : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, France, 1789. Domaine public.
Le Congrès de Philadelphie tout d’abord instaure un droit à l’objection de conscience, à la tolérance religieuse et à l’éducation (appelée « instruction publique »). La déclaration d’Indépendance dit ceci (selon, Thomas Jefferson, qui l’a rédigée à l’âge de 33 ans) :
« Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur ».
Voici la suite de ce texte fondamental :
« Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l’abolir et d’établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l’organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur ».

Ce principe de base sera simplifié par les révolutionnaires français : selon eux, tous les hommes sont nés libres et égaux « en droit » (et non pas également dotés par la nature).

S’agit-il de valeurs proclamées ou de valeurs réelles ? Afin de répondre à cette question, nous allons nous pencher maintenant sur une série de cartes, en privilégiant quelques indicateurs : l’égalité de genre, la peine de mort, les libertés publiques et la liberté d’information, la capacité d’épanouissement personnel y compris en donnant une place à la raison et pas seulement à la croyance

Commençons par la valeur de l’égalité de genre (on voit ici en bleu et en vert, les pays égalitaires ; en rouge et en brun, les pays inégalitaires).

Carte : l'égalité des sexes dans le monde
L’écart entre les sexes dans le monde (2012). Auteur inconnu, utilisé sous licence CC.

Il y a deux autres façons d’évaluer cette égalité de genre (le taux de masculinité, à gauche, en bleu ; l’oppression des femmes, à droite).

Cartes : rapport de masculinité par pays & Comportement discordant des gouvernements à l'égard des femmes
Gauche : Taux de masculinité (par Nay.T.Diniz, utilisé sous licence CC).
droite : Comportement discrépant des gouvernements à l’égard des femmes (par le WomanStats Project, utilisé sous licence CC).

Prenons maintenant un autre indicateur de respect de la personne humaine : la peine de mort (en bleu : elle est maintenue pour les crimes de guerre seulement ; en jaune : elle est en vigueur mais non appliquée ; en rouge : elle est pratiquée; en rose : elle est abolie).

Carte : La peine de mort dans le monde
La peine capitale dans le monde. Auteur : Kamalthebest utilisé sous licence CC. Source Amnesty International.

Poursuivons cette revue par l’examen d’un autre indicateur : le respect des libertés publiques (selon les données de l’ONG Freedom house en 2007), également observable sur une carte de la liberté de la presse.

Carte : droits politiques et libertés civiles
Les droits politiques et les libertés civiles. Auteur : The Freedom House, utilisé sous licence CC.

Terminons avec la liberté de la presse, telle qu’on peut l’apprécier sur cette carte. Les pays qui la respectent le moins sont toujours les mêmes.

Carte : Classement de la liberté de la presse
Carte du classement de la liberté de la presse (2008). Public domain.

On peut néanmoins se demander si les valeurs nationales reflètent un vrai enthousiasme pour les valeurs identiques partout : on voit en effet que les priorités sont très différentes si l’on en juge d’après la devise ou l’emblème de chaque pays (les devoirs, comme la foi et l’ordre, y sont souvent opposés aux droits ; voici donc en gras les valeurs qui pointent des devoirs collectifs).

Conclusion

Des valeurs universelles existent, elles ont été inventées partout dans le monde, et très tôt dans l’histoire.

Elles équilibrent droits et devoirs, libertés individuelles et collectives, afin de protéger les personnes et les peuples contre l’arbitraire.

L’Humanité a donc ces valeurs universelles en partage, et ceci rapproche toutes les nations qui la composent.

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Études Globales : Cultures et organisations dans les relations internationales

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